
Depuis l’instauration du multipartisme, les chanteurs ivoiriens et non des moindre ont souvent outrepassés leur rôle d’éveilleur de conscience pour devenir des griots des hommes politiques dans leurs ambitions de diriger le pays. On a des artistes comme Blissy Tebil, Pierre Amedée, Serges Kassy, Aicha Koné, Moussa Doumbia dit Tiken Jah, Alpha Blondy, Gadji Celi, Antoinette Konan, Nguess Bon sens, Noel Dourey, Johny Lafleur, Antoinette Allany, Meyway, Yodé et Siro, Espoir 2000, Lago Paulin et autres qui n’hésitent pas à se marquer politiquement. Ils s’affichent publiquement au cours des meetings quand ce ne sont pas eux-mêmes qui conduisent des caravanes pour inviter leurs fans à voter leurs amis politiciens. Ce qui souvent contraste avec leur passé où ils aimaient se présenter comme des artistes engagés critiquant, dénonçant tout selon leur bon vouloir. Aujourd’hui, plus que jamais, ils ont décidé de faire les éloges de ceux qui sont capables de décaisser gros là où les droits d’auteurs se font rare.
DES VISAGES BIEN CONNUS DU GRAND PUBLIC
Ainsi, il est donné de voir des artistes comme Serges Kassy, Les Galliets, Paul Mady’s ou encore Gadji Céli dont les œuvres musicales sont devenues de véritables hymnes en hommage à certains leaders politiques. « Nous connaissons plusieurs artistes qui ne méritent plus d’être désignés comme tels. Ils ont fini par perdre l’estime même de la population à cause de leur prise de position parfois ambiguë vis-à-vis de certaines situations politiques. Un artiste pour moi, il est au-dessus de toutes les considérations politiques, idéologiques, etc. parce que le risque qu’il y a lorsqu’un artiste décide de pactiser avec l’homme politique, lorsque ce dernier n’est plus aux affaires, il est lui aussi en perte de vitesse », confie Assouan Yves, chef d’entreprise. Ainsi, ayant décidé de troquer leur art contre les facilités d’accès ‘’bureaux’’, c’est au cours de meetings politiques que ces artistes donnent leur ‘’giga concert’’. « Lors de la récente campagne présidentielle, on a vu des artistes qu’on n’aurait jamais soupçonné de soutenir un parti politique conduire des caravanes de sensibilisation au profit de certains candidats. Des fans ont été surpris de voir sous le vêtement de leurs idoles des tee-shirts à l’effigie d’hommes politiques, alors même qu’ils prestaient à des cérémonies dites ‘’concert de réconciliation’’ nationale. Ce n’est pas de cela que nous avons besoin. S’ils disent être la voix des sans voix ou encore la voix du peuple, alors comment pourront-ils défendre les intérêts du peuple s’ils sont eux-mêmes esclaves des décideurs politiques ? », s’interroge Fofana Aboubacar, informaticien.
LES ARTISTES SE SONT-ILS EGARES ?
C’est peu dire qu’un égarement. Non seulement, nos artistes noient leur art sensé défier le temps et même l’espace dans le militantisme politique, mais ils drainent également dans leur perte, certains ignorants (des fanatiques inconditionnels). Et ces propos de l’artiste reggae man interplanétaire, Alpha Blondy, dans son album Mystic Power, illustre bien le virage périlleux que nos artistes ont décidé de prendre. « Je me suis réveillé au pied du mur de ma vanité. J’ai entendu ma conscience pleurer et je me suis mis à prier. A tous ceux que j’ai offensés, je demande pardon. Et à tous ceux qui m’ont offensé, je demande pardon. A tous ceux, qui ne m’ont pas compris et à tous ceux que je n’ai pas compris, je demande pardon », indique l’artiste. Expliquant par la suite que « c’est une sorte de recul que je prends en tant qu’artiste et en tant qu’ambassadeur de l’Onu pour la paix, parce que si nous avions réussi notre mission, il n’y aurait pas autant de sang versé, autant de larmes. Que cela soit moi, l’Onu ou tous les autres, nous avons tous failli quelque part », a reconnu Alpha Blondy. Et comme pour dire qu’il n’y que leurs intérêts personnels qui comptent et rien d’autre.
Cela au grand bonheur des candidats aux différentes élections nationales et locales au détriment de la carrière des artistes. Car, pour avoir tissé des alliances avec des chefs de partis politiques, certains artistes se sont retrouvés en exil forcé tandis que ceux qui y étaient, ont retrouvé leur pays. D’autres par contre sont purement et simplement effacés de la scène nationale bien que n’étant pas sortis du pays. Parce que la réalité aussi, c’est qu’il faut pouvoir être en mesure d’assumer et de faire face aux représailles de ses choix politiques. Une situation qui devait pouvoir interpeler la jeune génération.
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