Les pouvoirs du balafon Senoufo

par | Mar 22, 2020 | supplement tech | 0 commentaires

« Les grands balafonistes sont morts. La modernité a tué l’essence même du balafon qui nous faisait frémir  lors des festivités, prières, au travail, lors des funérailles ». C’est avec nostalgie que Valy Coulibaly évoque le balafon de sa tendre enfance. Où les grands noms et valeureux guerriers et cultivateurs étaient célébrés dans les champs et au clair de lune. Le balafon anime les fêtes, accompagne des prières dans des paroisses et dans les bois sacrés, stimule l’ardeur au travail, ponctue la musique funéraire et soutient l’enseignement des systèmes de valeurs, des traditions, des croyances, du droit coutumier, des règles d’éthique régissant la société et l’individu dans les actes quotidiens. « Tout cela est en train de finir », déplore-t-il. Comme pour revivre ce bon vieux temps, chaque dimanche après-midi devant son domicile d’Abobo avocatier, il fait sortir son balafon fabriqué depuis Korhogo. A sa manière , il essaie d’égrener les grands titres de Zélé de Papara, connue à travers ces chansons d’amour, de réconciliation de paix accompagnée de son tambour accroché aux hanches, la tête coiffée d’un chapeau de berger et une queue de cheval accrochée au poignée d’une main le tout mélangé à la voix percutante et au son du balafon, Traoré Zélé de son vrai nom a su se faire remarquer à travers la Côte d’Ivoire et au-delà des frontières ivoiriennes notamment dans les communautés senoufo. Le balafon est un xylophone composé d’un support en bois ou en bambou, sur lequel sont disposées des calebasses (caisse de résonances) surmontées de lattes de bois de tailles croissantes. Le balafon est composé d’une structure de bois légère nouée avec des lanières en cuir, sur laquelle des lames en bois dur (bois de vêne) sont rangées en taille et hauteur croissantes (plus les lamelles sont courtes, plus le son est aigu) ; des paires de petites calebasses sont placées en dessous formant des caisses de résonance. Parfois, ces calebasses sont percées et les trous sont recouverts de membranes qui vibrent (système du mirliton). Traditionnellement ces membranes sont des toiles d’araignées ou des ailes de chauves-souris, aujourd’hui remplacées par du papier à cigarette ou une fine membrane en plastique. Les calebasses sont de plus en plus grandes d’un côté, donc le balafon est plus haut d’un côté que de l’autre. Il y a aussi une paire de baguettes en bois munies d’un embout en caoutchouc. Le nombre de lattes du balafon varie en fonction de la région où il est joué, et de l’accord qu’on veut lui donner. Il est généralement accordé en pentatonique (une gamme de 5 notes) mais peut l’être aussi bien en diatonique (une gamme de 7 notes). Les lattes de bois du balafon diatonique sont plus épaisses mais moins large que le balafon pentatonique, la note devant être plus haute. On en joue soit debout avec des sangles soutenant le balafon, soit assis. Un orchestre comprend souvent trois balafons, un grave, un médium et un aigu accompagnés de tambours verticaux (djembé) et de tambour d’aisselle (tama).

Les dangers de la modernité

La complexité de l’instrument nécessite de nombreuses années d’apprentissage qui se fait, pour la quasi-totalité, au sein des familles de griots. C’est à travers les premiers spectacles des ballets africains de Fodéba Keita ainsi que des ensembles instrumentaux nationaux de Guinée et du Mali que l’Occident découvre le balafon malinké dans les années 60. Mais il faudra attendre le développement des musiques africaines vers la fin des années 80 pour que son emploi se développe en Occident. Moins populaire en France que le djembé ou même la kora, le balafon est, cependant, entré dans de nombreux orchestres. Les musiciens réunissent djembés, kora, ngoni et les balafons, et en les mêlant aux guitares électriques ainsi qu’aux synthétiseurs, créent un style nouveau fortement emprunté de sources traditionnelles, mais dont l’orchestration en fait une musique résolument moderne. Popularisé par de nombreux disques, ce phénomène a permis la diffusion de la culture mandingue hors d’Afrique. Les grands joueurs de balafon ont des noms connus : El Hadj Djeli Sory Kouyaté, Mory Kanté, Adama Condé, Gert Kilian le balafoniste blanc, Seydou Diabaté dit « Kanazoé », Amadou Kienou, Lansiné Diabaté., Neba Solo. Traditionnellement, le balafon malinké est accordé suivant sept notes équidistantes. Mais, aujourd’hui, de plus en plus de balafonistes résidant hors d’Afrique accordent leurs instruments suivant la gamme occidentale, pour pouvoir jouer avec les autres instruments dans des orchestres. Mais de nombreux balafonistes ont modifié l’accord de leur balafon afin de s’adapter aux gammes occidentales. Ce phénomène risque-t-il de se généraliser au point que les gammes traditionnelles se perdent ? C’est un risque à long terme, car on observe aussi ce phénomène en Afrique, quand les balafons sont mélangés aux instruments modernes comme les guitares et claviers. On peut aussi imaginer des adaptations diverses de l’instrument telles que la multiplication des lames pour ajouter les dièses ou bémols aux instruments accordés à l’occidentale, utilisation d’autres essences voire même d’autres matériaux pour la fabrication. Depuis  décembre 2012, le balafon des peuples Senoufo est inscrit au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco. Et cela, à l’initiative d’une action conjointe de la Côte d’Ivoire, du Mali et du Burkina Faso. « Nous devons maintenant promouvoir cet instrument, à travers des activités qui s’organiseront chaque année», a relevé à l’occasion, le ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Kouakou Bandama. A l’en croire, le balafon est un instrument qui « joue un rôle spécial important ». « Il sert à renforcer les liens de solidarité, donc à célébrer la paix et l’amour. Cet instrument est reconnu comme ayant une valeur universelle, qui est à préserver et à promouvoir», a expliqué le ministre Bandaman. Par ailleurs, il a promis des actions de promotion pour que « le balafoniste de Boundiali ou de Korhogo puisse vivre de son art».

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